L’utilisation de la muserolle, parmi les utilisateurs de mors (par opposition à ceux qui utilisent des ennasures), est au cœur des débats chez les cavaliers. (Pour ceux qui utilisent ces fameuses ennasures, il n’y a pas le choix, le contrôle du cheval se faisant par l’intermédiaire d’une muserolle (hackamore, side pull, bosal, licol éthologique et autres), à l’exception de ceux montant en cordelette).
Mais une muserolle sur un filet, à quoi ça sert ?
La fonction primaire de la muserolle est de stabiliser le filet sur la tête du cheval, en empêchant d’une part la têtière de passer par-dessus les oreilles (en temps normal) et en diminuant les mouvements latéraux lors de la mise en tension des rênes. Elle permettrait aussi de redistribuer les pressions exercées par la têtière sur la muserolle, soulageant ainsi en partie la nuque.
Alors, pourquoi ce débat autour de l’utilisation de la muserolle ? Car malheureusement, certains l’utilisent comme moyen coercitif, afin de fermer la bouche du cheval pour empêcher son ouverture quand le cheval essaye de se soustraire à l’action du mors. Pourquoi ? Parce que d’une part, on perd en contrôle du cheval dans ces cas-là, ce qui peut s’avérer dangereux, en extérieur par exemple, et d’autre part, car les règlements de dressage pénalisent les résistances et évasions (bouche qui s’ouvre), les sorties de langue ou encore les grincements de dents. Il est donc tentant de serrer la muserolle afin d’inhiber ce genre de comportements.
Quels sont les effets du serrage excessif de la muserolle sur le cheval ? Des expériences chez l’humain et le chien ont montré que des pressions excessives et/ou répétées aux mêmes endroits, entraîne un manque de vascularisation, qui peut causer des lésions des tissus mous et une irritation des nerfs. La tête du cheval est plutôt dure à cet endroit-là me direz-vous … Oui mais (!), il y a quand même une fine couche de muscles (notamment ceux qui servent à dilater les narines, à ouvrir et fermer la bouche …) et de nombreux nerfs qui passent à cet endroit-là (voir schéma ci-dessous)
Des études ont donc été menées afin de déterminer l’impact de la muserolle sur l’état de bien-être du cheval, notamment en mesurant le stress impliqué par le serrage de la muserolle (Fenner et al, 2016). Dans cette étude australienne, le rythme cardiaque et la température de l’œil (une augmentation indique un stress) ont été mesurés dans 4 conditions : muserolle non attachée, muserolle lâche (2 doigts au niveau de l’os nasal, comme le recommande la FEI), muserolle moyennement lâche (1 doigt au niveau de l’os nasal) et serrée (aucun espace). L’étude effectuée sur 12 chevaux, a montré une augmentation du rythme cardiaque, une diminution de la variabilité du rythme cardiaque et une augmentation de la température de l’œil significatifs, indicateurs d’un stress. Les différences ne sont pas significatives pour les autres degrés de serrage. Après avoir enlevé la bride, ils ont noté une augmentation des comportements de bâillement, mastication et léchage, ce qui est ce qu’on appelle un effet « rebond ». Le cheval a été privé d’un comportement et l’exprime davantage quand on supprime la cause (exactement comme un cheval en boxe qu’on sort au paddock. Il n’a pas pu se déplacer, il va donc exprimer ce comportement de façon exacerbée, en galopant, ruant …). Ceci est donc un indicateur de privation et donc de frustration. Serrer la muserolle entraînerait donc un stress chez le cheval.
Une autre étude menée par des universitaires irlandais et australien (O. Doherty et al, 2017), a pour but de dresser un état des lieux de l’utilisation de la muserolle en compétition. Cette étude s’appuie sur l’observation de 750 chevaux de compétition (compétitions jeunes chevaux, championnats nationaux et concours internationaux), principalement en CCE et dressage, un plus petit effectif en hunter, dans 3 pays : Irlande, Angleterre et Belgique. Les résultats montrent que chez 44% des chevaux, la muserolle est très fortement serrée (pas d’espace entre le chanfrein et la muserolle), et que chez seulement 7% il est possible de passer deux doigts entre la muserolle et le chanfrein. Plus globalement, la muserolle est fortement serrée (≤ 0,5 doigts) chez la moitié des chevaux observés. Il reste donc du chemin à parcourir pour arriver aux préconisations de la FEI.
Muserolle serrée avec 1 doigt, et 2 doigts
Alors, faut-il ou non utiliser une muserolle ? La réponse, comme souvent, n’est pas oui ou non. Si vous pratiquez une équitation qui tend vers la légèreté, très peu de pression sera exercée via le mors et donc vous n’aurez besoin ni de maintenir le bridon en place, ni de répartir la pression exercée sur la tête du cheval. Vous aurez donc moins besoin d’une muserolle. Quand on pratique une discipline qui implique de la tension sur les rênes, ou de la vitesse (dressage moderne, CSO, horse-ball, cross …) une muserolle sera utile pour stabiliser le bridon et répartir les pressions. Dans les cas où beaucoup de contrôle est nécessaire, on pourra même recommander l’utilisation d’une muserolle combinée. Le tout étant de ne pas trop serrer la muserolle, afin de ne pas gêner le cheval (un doigt sous l’os nasal). Souvent on entend, quand la muserolle est plutôt lâche (réglée correctement) : elle ne sert à rien. Alors non, elle ne sert pas à rien, pour les raisons évoquées ci-dessus, mais oui par contre, elle permet au cheval de s’exprimer, et de vous dire si son mors ne lui convient pas, ou si vos actions de main ne sont pas adaptées, ou s’il a mal quelque part. A vous donc de décider si vous souhaitez écouter votre cheval (et donc faire appel à un ostéopathe, un saddle fitter, un bit fitter ou à un enseignant d’équitation, ou les quatre) ou si vous préférez lui « fermer le clapet ».
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